Marjolaine Legay, 35 ans, a bâti toute sa carrière dans l’industrie. Ingénieure Avant-Projets, elle s’occupe de la conception de nouveaux propulseurs. Cela signifie devoir jongler entre contraintes techniques, impératifs budgétaires et enjeux de défense nationale. Après un début de carrière dans l’aéronautique chez Safran, elle a trouvé dans le spatial et chez ArianeGroup un terrain de jeu à la hauteur de sa curiosité et de son exigence. Passionnée et profondément attachée au concret, elle revendique un métier d’équilibre, entre calculs de précision et confrontation au réel.
Marjolaine fait partie de ces ingénieurs qui donnent corps aux idées. Chez ArianeGroup, elle conçoit de nouveaux propulseurs, de véritables concentrés de technologie, qui permettent aux satellites et aux missiles d’atteindre leur cible. Un métier où la rigueur scientifique côtoie la créativité, et où chaque décision engage des enjeux techniques, budgétaires et parfois stratégiques pour la défense nationale.
Chaque conception est un défi collectif : il faut imaginer, tester, ajuster, trouver les bons compromis. Son rôle ? Garantir la cohérence d’ensemble et le bon fonctionnement du projet, qu’il s’agisse de la performance, de la robustesse, du budget ou des délais. Une mission à la fois technique et humaine, qui exige précision et sens de la coordination.
“J’ai le même rôle qu’un architecte pour une maison”
My Job Glasses. Bonjour Marjolaine. Que signifie être “ingénieur Avant-Projets”, concrètement ?
Marjolaine Legay : Je réponds au cahier des charges d’un client, qui dit : “Voilà, j’aimerais concevoir un nouveau propulseur avec les caractéristiques suivantes.”
Cela peut être la performance, la poussée, le poids, l’encombrement, la résistance à l’humidité s’il est tiré depuis Kourou (en Guyane, où se trouve le Centre Spatial Guyanais, base de lancement de l’Agence spatiale européenne et de l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial, ndlr)… Ces exigences concernent donc de très nombreuses thématiques.
Nous faisons ensuite ce que l’on appelle un “avant-projet” : je conçois un propulseur de telle longueur, avec tel propergol (un produit de propulsion, ndlr) à l’intérieur et les matériaux qui me semblent les plus adaptés. En fait, j’ai le même rôle qu’un architecte pour une maison. Le propriétaire dit ce qu’il veut – deux salles de bains de tant de mètres carrés, trois chambres, etc. – , et l’architecte réfléchit à comment agencer, sans oublier les réseaux d’eau et d’électricité. Aujourd’hui, je travaille plus spécifiquement pour la Défense.
My Job Glasses. Lors de la conception, vous partez d’une feuille blanche ?
M.L. : Pas complètement. Nous concevons du début à la fin, mais pour ce faire, nous nous basons sur des années de retour d’expérience. En fonction du type de performance attendue, on sait assez vite vers quel design s’orienter. En réalité, on ne part jamais de rien : ArianeGroup a déjà produit de nombreux propulseurs, donc on capitalise sur un savoir-faire immense.
“C’est tout l’enjeu : ne pas rester dans la théorie, mais confronter nos idées au réel”
My Job Glasses. Si je comprends bien, vous êtes chargée d’élaborer les plans des futurs propulseurs, c’est bien ça ?
M.L. : Alors non. Je pilote plutôt sa conception : je travaille avec les personnes en charge des sous-ensembles du propulseur, tels que la tuyère, le réservoir, etc. pour affiner le design et vérifier la faisabilité. Je suis responsable de la cohérence globale.
Je discute aussi avec les équipes calcul, production, industrialisation. Car si on ne peut pas produire le propulseur, ça ne sert à rien. C’est un travail d’équilibre entre conception, contraintes industrielles et réalisme.
On peut imaginer une pièce parfaite sur le papier, mais très complexe voire impossible à usiner sans complexifier le processus. Dans ces cas-là, on peut par exemple simplifier le concept, quitte à perdre un peu en performance, pour gagner en efficacité et en temps. C’est tout l’enjeu : ne pas rester dans la théorie, mais confronter nos idées au réel.
L’aérospatial ? “Un univers exigeant, mais toujours stimulant”
My Job Glasses. Votre position doit impliquer énormément de règles en matière de confidentialité, j’imagine ?
M.L. : Oui, forcément. Tout ce qui touche à la défense est soumis à des règles strictes. C’est un environnement qui peut déranger certains, mais moi je le trouve très stimulant. On contribue à la défense du pays, on livre des produits de qualité, dans un contexte où chaque détail compte. Tout ça donne une véritable profondeur au poste.
My Job Glasses. Comment êtes-vous arrivée dans ce milieu ? L’industrie, c’était une vocation dès l’enfance ?
M.L. : J’ai fait une classe préparatoire, puis l’École Centrale Paris. Le spatial, honnêtement, ce n’était pas un rêve d’enfant. Petite, je ne regardais pas les étoiles en me disant que j’allais travailler là-dedans (rires).
Pendant mes études, je me suis orientée vers des thématiques comme la mécanique des fluides, les transferts thermiques. Les principaux débouchés étaient alors l’énergie ou le transport. J’ai fait plusieurs stages pour affiner ce qui me plaisait vraiment, et j’ai commencé chez Safran Aircraft Engines, dans l’aéronautique.
Le poste était passionnant, mais basé en région parisienne, et moi je voulais vivre en province. Comme ArianeGroup est une filiale à 50 % de Safran, j’ai eu l’opportunité de rejoindre ArianeGroup près de Bordeaux. C’est là que j’ai découvert le monde du spatial, un peu par hasard, et que j’y ai pris goût. Depuis, je ne me suis jamais ennuyée : c’est un univers exigeant, mais toujours stimulant.
Travailler dans l’industrie : “Il y a une vraie fierté”
My Job Glasses. Être une femme dans l’industrie, est-ce que ça change quelque chose d’après vous ?
M.L. : C’est vrai qu’on est minoritaires. C’est rare qu’il y ait plus de femmes que d’hommes en réunion (rires). Mais je n’ai jamais ressenti de frein dans ma carrière. J’ai même été manager pendant quatre ans, quelques mois seulement après mon retour de congé maternité. ArianeGroup est une grosse entreprise, les mentalités ont beaucoup évolué. Aujourd’hui, les contraintes familiales concernent autant les hommes que les femmes.
My Job Glasses. Quelle image aviez-vous de l’industrie en débutant votre carrière ?
M.L. : Plutôt bonne ! Je voyais l’industrie comme un univers de pointe, avec des produits techniques avancés. J’ai vite découvert la richesse du travail d’équipe. Dans l’industrie, les gens sont passionnés, motivés, attachés à la précision. Et puis il y a une vraie fierté : je me souviens du premier vol d’un moteur d’avion sur lequel j’ai travaillé. L’avion est passé au-dessus de l’entreprise et le pilote a fait un petit mouvement d’aile pour nous dire bonjour. Plus récemment, le premier tir d’Ariane 6 avec toute la joie après le décollage de la fusée était inoubliable. Ces moments-là, c’est la récompense de plusieurs années de travail.
“Si, en 30 minutes, je peux susciter une vocation (...) je me dis que j’ai servi à quelque chose”
My Job Glasses. Selon vous, quelles qualités faut-il pour exercer ce métier ?
M.L. : Il faut un bon bagage technique, bien sûr, mais aussi beaucoup de curiosité. On apprend énormément sur le terrain, car l’aérospatial est un domaine très spécifique. On n’apprend pas vraiment ça à l’école !
Quand j’étais manager, je cherchais avant tout des personnes autonomes, curieuses, rigoureuses. Des gens capables d’aller chercher l’information, de communiquer, de s’organiser. Avec de la méthode et de la motivation, on peut tout apprendre.
My Job Glasses. Vous êtes une ambassadrice active de My Job Glasses. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
M.L. : Quand j’étais à l’école, on nous disait qu’il serait bien d’interviewer des ingénieurs, et je trouvais ça inutile. Je pensais qu’on allait juste leur faire perdre du temps. Aujourd’hui, je me rends compte à quel point ces échanges sont précieux. Grâce à My Job Glasses, je peux partager mon expérience, répondre aux questions de jeunes qui se demandent à quoi ressemble vraiment le quotidien d’un ingénieur, et les aider à y voir plus clair. Certains entretiens sont passionnants, très concrets : on parle autant de technique que de vie professionnelle ou d’équilibre vie pro/ vie perso.
J’aime cet aspect transmission. Quand je raconte mon parcours, je mesure le chemin parcouru depuis ma sortie d’école. Et si, en 30 minutes, je peux susciter une vocation ou simplement rassurer un étudiant sur ses choix, je me dis que j’ai servi à quelque chose.
Et maintenant ?
Le secteur industriel vous attire ? Le parcours de Marjolaine vous a donné envie de viser la lune, enfin, l’aérospatial ?
Les ambassadeurs My Job Glasses issus de l’industrie sont là pour échanger avec vous, répondre à vos questions et, peut-être, vous aider à décoller vers votre future carrière.