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“Je ne casse pas les portes. Mon travail, c’est d’indiquer laquelle doit être ouverte” : l’itinéraire de l’adjudant Pierre-Marie, analyste du renseignement électromagnétique dans l’armée de Terre

l’itinéraire de l’adjudant Pierre-Marie, analyste du renseignement électromagnétique dans l’armée de Terre

Il a une pugnacité de fer : l’adjudant Pierre-Marie est analyste ROEM (Renseignement d’origine électromagnétique) au 54e Régiment de transmissions. D’un premier rêve de pilote d’hélicoptère avorté à l’analyse de terrain au cœur de l’armée de Terre, son parcours raconte une vocation qui s’est précisée au rythme de ses missions. Au micro d’Emilie Korchia, à l’occasion d’un webinaire où il est apparu masqué, le militaire a dévoilé les coulisses de ce métier confidentiel et secret.

Quand il est adolescent, Pierre-Marie se rêve dans les airs. « Depuis mes 13/14 ans, je rêvais d’être pilote d’hélicoptère », se souvient-il. Malheureusement, ses tests de sélection sont un échec. « J’ai brillamment raté, dit-il en riant. Mais j’ai trouvé bien mieux. »

 

Son père, militaire lui aussi, l’oriente alors vers un autre horizon : l’analyse. « Mon père était analyste ROEM. Il m’a dit : laisse-moi te parler d’un métier d’avenir, d’une spécialité qui a le vent en poupe. Il m’a parlé du renseignement électromagnétique, et ça a matché.« 

La réserve, ses premiers pas dans la vie militaire

Avant de signer dans “l’active”, Pierre-Marie passe d’abord par la réserve. Une formidable porte d’entrée, selon lui, avant d’aller encore plus loin dans l’engagement. “On croise des étudiants, des artisans, des chefs d’entreprise… tous viennent s’entraîner, se former, et renforcer les régiments quand il le faut. »

 

Lui choisit le 35e Régiment d’infanterie à Belfort. « J’ai commencé par une préparation militaire découverte. Une semaine de vie de soldat : marcher, dormir dehors, manier les armes. » Pierre-Marie accroche tout de suite avec l’esprit militaire.  

Alors qu’il suit un DUT Génie Electrique Informatique industrielle, il effectue sa première mission en Guyane, durant quatre mois. “Ça m’a permis de découvrir ce que c’était que que la vie militaire, ce qu’était un autre département français en Outre-mer.” 

 

Revenu en métropole, Pierre-Marie obtient son DUT, puis une licence en maintenance des éoliennes. Il décroche même un CDI dans le civil. Mais une mésentente avec un client vient bousculer son plan de carrière. Le soir même, Pierre-Marie rédige sa lettre de démission. « Le lendemain, j’étais au CIRFA (Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées). Je leur ai dit : poussez-vous, j’arrive. » 

 

En 2013, après cinq années de réserve, il intègre enfin l’armée de Terre en active.

Son premier souvenir d’OPEX ? Les étoiles filantes du Sahara

Sa première OPEX (opération extérieure) reste gravée en lui. « C’était au Niger, dans le Sahara. La nuit, j’étais sur mon VAB (Véhicule de l’avant blindé) et je voyais des étoiles filantes par dizaines, sans pollution lumineuse. La vraie nature. » 

 

 

Cette mission est aussi le premier choc de sa carrière : il prend conscience de la nature de ses responsabilités. « J’étais le seul analyste du détachement, nous étions partis à quatre, et c’était ultra challengeant. Il a fallu que je tienne mon rôle pleinement. »

 

Depuis 12 ans, Pierre-Marie a effectué pas moins de 7 OPEX. « J’ai fait des détachements où nous sommes partis à 10, d’autres à 25. En fait, tout dépend de l’opération et de ce que l’on pense trouver en face.” Aujourd’hui, son régiment – le 54e Régiment de transmissions – a une particularité. “Nous, nous sommes ce qu’on appelle un régiment en auto-relève. (…) Pour le travail au plus proche de l’adversaire, il n’y a que nous.

“Le renseignement, c’est comme une grande piscine avec plusieurs couloirs”

Mais alors, comment expliquer concrètement ce que fait un analyste ROEM ? Pierre-Marie tente la métaphore : « Le renseignement, c’est comme une grande piscine avec plusieurs couloirs. Il y a le renseignement d’origine humaine, les personnes qui prennent des photos à longue distance, s’infiltrent dans les lignes adverses, rencontrent des sources pour glaner des informations. Il y a le renseignement d’origine image, ce que fournissent les drones ou les satellites – des photos vues du ciel -, puis le renseignement de sources ouvertes. Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM), c’est notre couloir : nous, on écoute les ondes de l’adversaire, on capte leurs communications, on localise leurs stations et, au besoin, on les brouille. »

 

Les linguistes traduisent, les opérateurs interceptent, les spécialistes du signal travaillent sur les flux cryptés. Pierre-Marie, lui, met tout ça ensemble. Il range, recoupe et vulgarise pour rendre le tout exploitable. 

“Le physique, ça se travaille. C’est comme un couteau : ça s’aiguise”

En OPEX, le quotidien de Pierre-Marie est réglé comme du papier à musique. “Généralement, on se lève tôt le matin parce qu’il fait souvent chaud dans les endroits où on va. (…) Dans tous les cas, il faut être en bonne condition physique. Donc généralement, on va faire du sport. Après, on attaque la journée. (…) On est soit en centres fixes, donc derrière un bureau, dans une pièce de circonstance, soit on peut être en patrouille à pied, en véhicule, ou en hélicoptère. Moi, j’ai la chance de faire des patrouilles en hélicoptère.”

 

La forme physique est importante, note Pierre-Marie, mais nul besoin d’être un champion de haut niveau pour débuter dans l’armée de Terre. “Le physique, ça se travaille. C’est comme un couteau : ça s’aiguise”, plaisante-t-il.


Contrairement à ce que l’on peut imaginer, il ne s’agit jamais d’action directe. « Moi, je ne casse pas les portes. Mon travail, c’est d’indiquer laquelle doit être ouverte, et ce qu’il y a derrière. C’est le principe du renseignement.”

"Moi, je travaille pour la France"

De ses débuts comme jeune sergent, Pierre-Marie est passé à chef analyste, puis chef de cellule, et il est, aujourd’hui, chef de la salle de recrutement. Un beau parcours qu’il doit, selon lui, à un travail acharné. “Il faut être pugnace, travailleur, curieux. Déjà, si vous avez ça, c’est pas mal ! (…) Moi, je pars du principe que quand on veut, on peut, et quand on peut, on doit. Il n’y a pas de questions à se poser. (…) L’armée est faite pour qu’on progresse. On n’est jamais figé.” 

 

Un militaire passe en effet un quart de son temps en formation, rappelle-t-il, lui qui a à son actif un permis poids lourd, un diplôme de secourisme niveau 1 et 2, ainsi qu’une qualification de moniteur de tir… Autant de compétences payées par l’armée qui enrichissent son profil

 

Pierre-Marie l’admet : par le passé, son métier d’analyste ROEM a pu le frustrer. Car il faut dire qu’il ne sait pas toujours si le renseignement remonté sera pris en compte, voire s’il sera déterminant dans le succès de la mission. Mais après 12 ans de carrière, il relativise. “Aujourd’hui, je sais que même si ce n’est pas moi qui vois le résultat, ce sera l’analyste suivant. L’important, c’est que ça débouche. Moi, je travaille pour la France.”

Pour revoir notre webinaire…

Et maintenant ?

Le parcours de Pierre-Marie vous inspire ? Les métiers de l’armée de Terre vous intéressent mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? 

 

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