De son rêve de pilote de chasse à son rôle d’ingénieur militaire d’infrastructure, le lieutenant-colonel Christophe est revenu, avec précision et humilité, sur les coulisses d’un métier souvent méconnu mais essentiel : celui de bâtisseur au service des forces françaises. À l’occasion d’un webinaire animé par Émilie Korchia, CEO et cofondatrice de My Job Glasses, l’ingénieur en chef de 2ᵉ classe au Service d’Infrastructure de la Défense (SID) a détaillé son parcours au sein des armées ainsi que les nombreux défis jalonnant sa carrière.
À 45 ans, Christophe a l’humilité de ceux qui font tenir debout des missions entières. Ingénieur militaire d’infrastructure au Service d’Infrastructure de la Défense (SID), il est ce que l’on appelle un “ingénieur en chef de 2ᵉ classe”. “On m’appelle monsieur l’ingénieur en chef, ou alors on peut m’appeler aussi mon colonel, précise-t-il. C’est l’équivalent du grade de lieutenant-colonel.”
Du rêve d’aviateur à bâtisseur pour les armées
Son engagement commence par un rêve d’enfant, devenir pilote de chasse. Sa vue, malheureusement, en décidera autrement. Après “deux classes préparatoires” et un “échec au concours de l’École de l’air”, il rebondit toutefois : “J’ai intégré le corps des sous-officiers pour devenir moniteur sur simulateur de vol pour être au plus près du métier de pilote”, explique-t-il. Il exerce pendant 4 ans, avant de tenter la grande bascule : “Dès que j’ai eu l’âge de pouvoir passer le concours interne d’officiers, je l’ai fait. À 24 ans. »
Sa spécialité n’existant pas côté officiers, Christophe explore. “La partie génie civil bâtiment m’a énormément séduit de par la diversité des missions, la diversité des ouvrages que l’on peut construire, maintenir… et la diversité des sites sur lesquels on [est] affecté, au profit de toutes les armées et services.” Il reprend alors ses études : “Je me suis inscrit pour passer un master 2 en 2011, que j’ai obtenu en 2013, en bâtiment”, puis en 2014, il intègre le corps des ingénieurs militaires.
“Le conducteur d’opération, c’est le chef d’orchestre”
Christophe aime le concret, l’adrénaline maîtrisée des grands projets. Son moment “le plus challengeant” ? En 2016, quand il prend un poste de conducteur d’opérations. Dans ce rôle, il va piloter le maître d’œuvre, les entreprises ainsi que la conduite financière, calendaire, technique d’une opération. “Le conducteur d’opération, c’est le chef d’orchestre, présent du début à la fin, l’élément central dans la construction d’un ouvrage”, résume-t-il.
Le projet phare qui l’a particulièrement marqué ? Deux bases aériennes en métropole, avec “une plateforme aéronautique et un ouvrage enterré au profit de la dissuasion nucléaire”, afin d’accueillir les A330 MRTT (“Multi Role Tanker Transport”, de “gros avions” capables de transporter troupes et matériel, et de ravitailler en vol). “J’ai dû monter l’équipe projet avec plusieurs équipes du SID, des experts, des techniciens, des agences civiles, militaires… et des assistants extérieurs.”
Il n’en verra pas la fin, ayant été muté entre-temps. Mais la satisfaction reste entière : “La livraison a été réalisée très récemment, c’est-à-dire quasiment 5 ans après le début de la partie projet. Ça correspond quasiment à 95 % à ce qu’on avait pensé. Le challenge a été réussi”, se réjouit-il.
Des chantiers surdimensionnés : de 100 000 euros à… 100 millions d’euros
Au SID, ”l’unique service constructeur du ministère”, il n’y a “jamais de petit chantier”. Côté ordre de grandeur, on se situe “entre 100 et 500 000 euros “ pour des opérations avec plusieurs intervenants, puis “35/ 40 millions d’euros” jusqu’à « 70/ 80/ 100 millions d’euros”. À ce niveau, on trouve la “création d’une piste aérienne avec tout le balisage et toutes les infrastructures : tours de contrôle… ou des quais pour les bâtiments de la Marine, voire des ouvrages pour accueillir les sous-marins nucléaires”, par exemple.
Ce sont toujours des projets au long cours : “On reste à peu près entre 3 et 5 ans sur un poste. (…) La construction en général ne commence qu’à partir de la 5e ou 6e année pour un projet bien complexe : on ne voit pas toujours le début d’une construction, mais on a participé à toute la partie montage de l’opération. (…) On apporte sa pierre à l’édifice, sa petite brique.”
OPEX : quatre mois pour faire sortir un camp du sable
S’il ne devait garder “qu’un seul meilleur souvenir”, Christophe cite le théâtre malien : “Dans le cadre de l’opération Barkhane, j’étais posté sur Gao (au Mali, ndlr). (…) J’ai dû déployer deux personnes sur une base opérationnelle avancée en plein milieu du désert, Gossi, (…) pour y monter un camp : l’eau, les forages, l’alimentation électrique, la partie logement, les fortifications, la consolidation de la protection… dans un espace temporel d’un mois.” Verdict : “Un gros beau challenge et une satisfaction pour l’équipe et pour moi-même.”
Il précise les règles du jeu en dehors du territoire :”Les opérations extérieures, ce qu’on appelle temps de guerre ou maintien de la paix, c’est essentiellement le personnel militaire.” Et si ce n’est absolument pas obligatoire dans une carrière, “c’est fortement conseillé” pour l’expérience. Pourquoi ? Parce que “c’est très intense”. “Un sprint pendant 4 à 6 mois”, où “ on voit systématiquement [sortir de terre] au moins un ouvrage”. “Quand on revient de la première fois, on a envie de repartir.”
Les exemples d’OPEX ne lui manquent pas : aux Émirats arabes unis, il travaille à la “mise en œuvre de hangars pour accueillir un escadron Rafale”. Au Mali, il met en place “des structures modulaires.” Pour ce faire, il faut “faire venir de France, créer les fondations, les réseaux, pour héberger les forces françaises dans des logements plus salubres, (…) ou construire des plateformes pour des véhicules de l’armée de Terre.”
À chaque fois, en OPEX, “on compose avec [le temps]”, les méthodes de construction n’étant pas les mêmes qu’en métropole et le rendu devant être “quasiment immédiat”.
Exploitation et maintenance : 90 personnes, plusieurs sites
Aujourd’hui, Christophe est passé dans la partie exploitation des installations neuves ou plus anciennes. ”J’encadre 80/ 90 personnes environ (…) qui travaillent essentiellement pour 60 % à l’entretien et la maintenance de nos ouvrages, sur plusieurs sites. (…) Je soutiens des sites de l’armée de l’Air et de l’Espace, de l’armée de Terre, et interarmées.”
En parallèle, il supervise également la gestion du patrimoine : “S’assurer que la partie domaniale (…) plans, réseaux, entretien (…) est bien réalisée ; qu’il n’y a pas de dégradation, pas d’infraction… On fait une surveillance régulière. «
La richesse du SID ? Son mix civil–militaire, selon Christophe, qui compte ”60 % de personnel civil, 40 % de personnel militaire” à l’échelle du service. Quant à la féminisation des métiers, elle progresse, assure-t-il :”J’ai 40 % de femmes dans l’équipe militaire et 50 % dans la partie civile. (…) Il n’y a aucune discrimination là-dessus : les postes et les fiches de postes sont les mêmes. (…) Un personnel féminin qui tient le même poste (…) touchera la même chose.”
Pour suivre ses traces, Christophe estime que certaines qualités sont indispensables : ”Dynamisme, volontariat, créativité. Il ne faut pas avoir peur de proposer, d’être innovant, même si des idées ne sont jamais retenues… C’est comme ça qu’on avance.”
Pour revoir notre webinaire…
Et maintenant ?
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