À l’occasion d’un webinaire animé par la CEO de My Job Glasses, Émilie Korchia, Eugénie se livre sur son parcours professionnel au sein de l’armée de Terre. D’abord secouriste puis monitrice sportive, l’adjudant nous ouvre la porte d’un itinéraire pas si linéaire, où chaque détour lui permet de mieux se connaître, de rebondir et, surtout, de transmettre.
De l’énergie à revendre. Un sourire communicatif. Eugénie, 34 ans, intègre l’armée il y a déjà 16 ans, en 2009. Et c’est loin d’être un choix au hasard. C’est une vocation ancrée en elle depuis l’âge de huit ans. Le jour de sa communion, sa grand-mère lui demande de choisir parmi les métiers de militaire, policière, gendarme, ou encore pompier. “J’avais déjà un penchant pour l’armée, se souvient l’adjudant. Et par la suite, certaines choses ont confirmé ce choix.”
Eugénie pousse ainsi les portes d’un CIRFA (Centre de recrutement) à 16 ans et demi. “Mon père, étant dans la police, m’avait dit qu’ils proposaient des fois des stages d’une semaine ou deux. Et lui, il espérait vraiment que je sois comme lui, dans la police, plaisante-t-elle. Il voulait donc que je sois sûre de mon choix, en fait.”
Un stage de préparation militaire qui confirme son choix
La jeune fille part donc faire un stage d’une semaine dans un régiment à Montlhéry. “Je suis allé faire cette fameuse préparation militaire découverte – à l’époque, ça s’appelait comme ça – d’une semaine. Et j’ai bien accroché. Ça a vraiment confirmé mon choix.”
Un conseiller en recrutement lui conseille toutefois de finir son cursus académique. Elle poursuit ses études dans le domaine de la vente (d’abord un CAP puis un BEP), puis attend 18 ans pour s’engager définitivement. Elle devient alors secouriste au combat, une spécialité désormais appelée « auxiliaire sanitaire ». Affectée au régiment médical du camp de La Valbonne, Eugénie prend en charge des blessés. En 2011, elle effectue sa première mission et part à Djibouti en qualité d’auxiliaire sanitaire. Un rôle très polyvalent.
“Je pouvais faire du soutien zone saut, c’est-à-dire être présente quand les parachutistes faisaient leur exercice pour m’assurer qu’au moment de l’atterrissage, tout se passe bien, qu’il n’y ait pas quelque chose de cassé ou autre. Et si c’était le cas, on devait rapidement les embarquer dans le véhicule pour les extraire et les acheminer jusqu’à un point, un hôpital mobile de campagne, ou une zone où ils allaient pouvoir être pris en charge très rapidement, raconte-t-elle. À l’infirmerie, j’avais la fonction de m’occuper de la pharmacie, mais j’aurais pu très bien être aussi en salle de soins ou à l’accueil. On ne faisait jamais la même chose.”
Une OPEX en Afghanistan bouleverse sa carrière
Après cette première mission, Eugénie repart plusieurs fois en OPEX, notamment en Afghanistan. En 2013, elle y est affectée en tant que circulante de bloc opératoire. “J’avais une petite double spécialité car j’avais fait une formation d’agent de stérilisation. Donc toutes les boîtes de chirurgie passaient dans mes mains après les opérations pour faire les protocoles de lavage, etc. Je faisais aussi du reconditionnement.”
Entre-temps, Eugénie passe le reste de son temps en bloc opératoire. “J’habillais les chirurgiens, les IBODE, les infirmiers de bloc opératoire. C’est moi qui faisais le protocole bêta (pour bétadine, ndlr), donc je déballais les pansements qui avaient été faits sur le terrain.” Elle est alors en première ligne. Et assiste aux coulisses d’une guerre violente. “J’étais en première ligne. Je voyais tout de suite, en dessous du pansement, l’état des moignons, des os qui étaient fracassés en mille morceaux. Donc voilà, je devais faire les protocoles Bêta là-dessus. Pendant six mois, j’ai vu toutes les blessures de guerre possibles et imaginables…”
Alors qu’elle n’a que 22 ans, un chirurgien souhaite la remercier pour son travail et sa rigueur sans faille. “J’ai fait une mission qui était assez dure. Je ne me suis jamais évanouie, j’ai toujours fait mon travail avec sérieux. Je pense que l’équipe l’a constaté et a voulu me remercier, me faire un cadeau. Et plus particulièrement ce chirurgien, qui, avec une pince, a entouré la balle, il m’a confié la pince et il m’a dit : Maintenant, c’est toi qui l’extrais du mollet. Et ça, je pense que c’est le plus beau cadeau de ma vie.”
Cette OPEX change drastiquement Eugénie. Quand elle rentre en France, elle décide de changer de parcours au sein de l’armée. “Je me suis sentie un peu inutile, se remémore-t-elle. Parce que j’avais eu un mandat très dense, et une fonction qui m’a permis de voir des choses… de belles choses, mais aussi des choses horribles. Et j’ai eu envie de tout changer, de me sentir à nouveau utile, mais dans un cadre différent.”
Ce qui l’anime au quotidien ? Le sport, le sport, encore le sport
Ce nouveau cadre lui permet de s’adonner à sa passion, le sport. “Ce qui m’anime au quotidien, c’est vraiment le sport. Donc je me suis dit : c’est soit je quitte l’armée, soit je continue, mais dans le domaine du sport.”
Eugénie a la chance d’être entourée de cadres qui lui font confiance et l’aident dans cette réorientation professionnelle inattendue : l’entraînement physique militaire et sportif, ou l’EPMS. Ce bouleversement n’est toutefois pas simple, du propre aveu de l’adjudante.
“Quand vous avez un élément qui tient la route, quelqu’un qui fait bien son travail, en général, on ne veut pas vous laisser partir comme ça. On vous dit : Est-ce que tu es sûre ? Réfléchis bien. (…) Moi, j’étais sûre de moi. Je voulais absolument. C’était mon rêve, le sport. Alors, j’ai dit : Oui, je suis sûre de moi, je veux faire la spécialité EPMS.”
Un obstacle se dresse toutefois devant elle : en 2014, il n’y a pas de place dans le bureau des sports avant cinq ans. Hors de question d’attendre : Eugénie décide de tenter sa chance, et de devenir sous-officier. “Je me suis accrochée, je me suis préparée, j’ai fait les tests, j’ai réussi. Et six mois après, on m’a envoyée à l’ENSOA, l’École Nationale des Sous-Officiers d’Active. J’ai pu basculer sous-officier et me réorienter dans cette spécialité que je souhaitais tant.”
Encore aujourd’hui, cette réorientation, ce changement de carrière à mi-parcours, Eugénie le considère comme “son plus gros challenge.”
Le C4 ? Quelque chose qui lui “tenait à coeur”
Après avoir passé son Certificat Technique de 1er degré (CT1) , Eugénie part, en 2016, pour le 68e Régiment d’Artillerie d’Afrique, situé juste à côté de La Valbonne, dans l’Ain, où elle devient monitrice sportive. Un “saut de puce” géographique, mais un changement radical en termes de mission.
Eugénie travaille sans relâche. Progresse vite. Quatre ans plus tard, Eugénie, entraînée par le major ayant créé l’épreuve, devient la première femme instructrice combat de haute intensité (C4), toutes armées confondues. Elles sont aujourd’hui trois.
“Le C4, c’est le combat corps à corps adapté au combat de haute intensité. Effectivement, j’ai été la première, et c’est quelque chose qui me tenait à cœur. (…) Je tiens quand même à souligner que ces autres femmes n’ont pas attendu mon existence pour briller, pour exister elles aussi. C’est juste que, depuis la création du C4, aucune femme, effectivement, n’avait passé ce stage. On ne m’a pas fait de cadeau, et j’en suis très heureuse.”
Aujourd’hui, Eugénie occupe la fonction de cheffe de cellule EPMS au sein du GRSSE (Groupement de Recrutement et de Soutien Sud-Est). “Ma fonction, c’est surtout de m’occuper des tests d’évaluation physique des candidats, le matin, que ce soit pour l’armée de Terre, la Marine, l’armée de l’Air et de l’Espace.”
Très présente sur les réseaux sociaux, elle propose des vidéos pour mieux s’entraîner. Elle ne se considère pas comme une influenceuse, mais comme une véritable ambassadrice de l’armée. Et souhaite diffuser ses valeurs au plus grand nombre. “La rigueur est vraiment le maître mot. Se fixer une ligne de conduite correcte, respectable, du début jusqu’au dernier jour de sa carrière.”
“Je ne pensais pas avoir une aussi belle carrière”
En tant que femme, Eugénie prévient celles qui souhaiteraient suivre ses traces : l’armée ne l’a pas particulièrement épargnée. “Il va falloir se dire : Je fais tout comme un soldat, et non pas tout comme une femme. Après, un point important à rappeler, c’est qu’on est payé pareil. Carrière identique, salaire identique. L’emploi, la fonction, c’est la même chose au final, sans différence.”
L’armée, Eugénie ne regrette pour rien au monde. Cette vocation qui a débuté dès l’enfance n’a cessé de tenir ses promesses. “L’armée, c’est vraiment un tremplin. Moi, je dirais qu’elle m’a tout apporté. Je suis arrivée avec un BEP vente, et je repars avec un niveau Bac +2. Je ne pensais pas avoir une aussi belle carrière. J’aurais pu rester militaire du rang, et en fait, je suis aujourd’hui adjudant. C’est tout simplement incroyable. Je ne pensais pas du tout arriver à ce stade-là, franchement.”
Et c’est loin d’être terminé.
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