Anticiper, détecter, préparer les crises : c’est le quotidien de Marion Mula-Chaigne, Head of Enterprise Crisis Management Anticipation chez Airbus, à Blagnac. Dynamique, passionnée et enthousiaste, cette professionnelle de la gestion de projet a accepté de détailler ce rôle particulièrement stratégique et un rien méconnu. Au programme de sa carrière hors-norme ? De la curiosité, de l’écoute et énormément d’adaptation.
Bonjour Marion. Vous êtes Head of Enterprise Crisis Management Anticipation chez Airbus. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Marion Mula-Chaigne : Mon métier consiste à anticiper tout événement pouvant conduire à une crise impactant Airbus, notamment ses employés, ses bâtiments, sa propriété intellectuelle, ses produits et services, son image et sa réputation etc.. L’idée, c’est vraiment de se préparer au mieux à entrer en crise lorsque cela est possible.
De quelles crises parle-t-on ? Climatiques ? Géopolitiques ?
M.M-C. : Oui c’est tout à fait ça. Cela peut être une crise en lien avec un facteur interne ou externe tel que sanitaire comme la crise de Covid-19, ou effectivement géopolitiques. Cela peut aussi être des cyberattaques, des crises dûes à des événements climatiques etc.. Pour résumer, mon périmètre pour l’anticipation de crise concerne tout ce qui peut impacter Airbus à très court terme dans le monde, que ce soit au niveau entreprise, à l’international et ce, toutes divisions et filiales confondues grâce à notre réseau de gestion de crise. À noter que ce n’est pas l’équipe de gestion de crise Entreprise qui gère les incidents/accidents d’avions commerciaux, il y a une équipe dédiée appelée “Go Team” au sein du service Product Safety.
“On ne peut pas éviter la crise, mais on peut y arriver le mieux préparé possible”
Par quels moyens peut-on anticiper une crise ?
M.M-C. : De par nature, une crise, on ne peut pas vraiment la prédire. Elle est soudaine, imprévue. Mais dans un environnement qui change et devient complexe, ce qu’on appelle le VUCA (“volatility, uncertainty, complexity and ambiguity”, ndlr), il y a des choses que l’on peut anticiper et détecter.
Par exemple, l’une de mes stagiaires étudie actuellement l’impact, à court terme, des phénomènes météorologiques extrêmes afin de sensibiliser notre réseau de gestion de crise et renforcer son niveau de préparation. Et ce, en collaborant avec différents services dans l’entreprise. On sait très bien qu’on ne peut pas éviter une crise, mais on peut y arriver le mieux préparé possible, avec les bonnes personnes identifiées, formées et disposées à y répondre.
Comment est constituée votre équipe ?
M.M-C. : Mon équipe est composée de 6 personnes aux profils variés. Il y a notamment un analyste de crise qui fait de la surveillance et va collecter des informations en scannant des éléments que l’on peut trouver sur Internet, les réseaux sociaux afin de détecter des alertes.
Aussi, après chaque fin de crise, les anticipations managers peuvent être amenés à conduire ce qu’on appelle des retours d’expérience auprès des personnes qui ont été mobilisées pour répondre à la crise. Nous travaillons toujours à nous améliorer, à apprendre des crises passées, afin de faire évoluer nos méthodes. Enfin, il y a un data scientist qui contribue à l’intégration et l’exploitation des données pour l’aide à la prise de décision pour la gestion de crise.
“J’ai toujours écouté mon instinct”
Depuis quand occupez-vous ce poste stratégique ?
M.M-C. : Je suis Head of Enterprise Crisis Management Anticipation chez Airbus depuis 2023, mais je suis dans la gestion de crise depuis 2021, soit un peu plus de 4 ans. Avant cela, j’étais chez Airbus Atlantic sur des projets digitaux. J’ai déployé ce qu’on appelle la « mobile factory », c’est-à-dire le développement d’applications pour des métiers en production pour aider les compagnons sur les chaînes d’assemblage à automatiser davantage leur métier, tout en conservant un haut niveau de qualité.
Depuis quatre ans, quel type de crise avez-vous dû gérer ?
M.M-C. : Sans surprise, les équipes de gestion de crise ont géré la crise sanitaire COVID-19 et ses différentes vagues. Au niveau Entreprise, nous avons notamment pu anticiper une crise géopolitique en 2022. Et la dernière crise en date pour laquelle des équipes de crise ont été mobilisées récemment était typiquement la coupure d’électricité en Espagne et au Portugal de mai 2025.
Pour en arriver à un tel poste, quelles études avez-vous effectuées ?
M.M-C. : J’ai un parcours tout à fait atypique ! C’est ce que je dis à chaque échange sur My Job Glasses, d’ailleurs. Mon parcours n’était pas déterminé à l’avance, il a davantage été guidé par des opportunités. J’ai toujours écouté mon instinct.
J’ai d’abord passé un BTS assistante de direction en alternance chez Renault. Mes professeurs avaient vu mon potentiel et m’ont conseillé une école de management. J’ai donc continué vers un Master I puis un Master II en finance et droit des affaires pour lesquels j’ai travaillé 3 ans chez Airbusiness Academy (devenu Airbus Beyond).
Poussée par mes collègues en interne, j’ai poursuivi vers un Mastère Spécialisé en « Management du Transport Aérien à l’ENAC, obtenu en 2010. Toutes mes études supérieures se sont faites en alternance.
Vous conseillez ce type d’apprentissage pour intégrer la vie active ?
M.M-C. : Je recommande vivement même si je ne connais pas d’autres moyens en réalité. Je ne me voyais pas sur les bancs de l’université. Je n’ai pas un tempérament assez calme, je suis quelqu’un d’assez dynamique donc cette forme d’apprentissage me convenait parfaitement.
“Il ne faut pas essayer de chercher à être quelqu’un d’autre, il faut être soi-même”
Ce dynamisme, il est indispensable pour votre rôle actuel ?
M.M-C. : Oui absolument. Lors de mes rendez-vous sur My Job Glasses, je parle d’ailleurs surtout des « soft skills », car tout le monde n’a pas un parcours universitaire. Je pense qu’avoir certaines qualités comme la curiosité, l’écoute, l’ouverture, la capacité à anticiper, c’est important. Il ne faut pas essayer de chercher à être quelqu’un d’autre, il faut être soi-même. Il n’y a pas de profil type.
Vous avez occupé de nombreux postes très différents dans l’aéronautique. Vous pouvez nous en dire plus ?
M.M-C. : J’ai surtout fait mes armes dans la gestion de projet complexe. Ce sont des compétences transverses que j’ai mises en pratique lors de mes différentes missions dans différents départements.
Ainsi, au fil des années j’ai acquis une bonne connaissance de l’entreprise et de ses enjeux dans son ensemble. Forte de mes expériences, de mes compétences acquises et de mon souhait de développement, j’ai pu évoluer grâce à la mobilité interne et accéder plus tard à un poste de manager.
J’ai donc commencé à l’engineering et la certification avion, notamment sur les limitations de navigabilité aériennes. Ensuite, je suis partie en production, où il y avait des retards de livraison sur la poutre centrale du programme A350. J’étais chargée de relancer un planning pour une livraison en temps et en heure.
Par la suite, j’ai été cheffe de projet en informatique, où j’ai découvert l’architecture informatique. J’ai géré des projets pour définir les applications métiers et les logiciels qu’on allait utiliser sur 5 ans.
Quelle a été l’expérience professionnelle la plus marquante depuis le début de votre carrière ?
M.M-C. : Quand j’ai travaillé pour le service Innovation. J’étais sur un projet interne de type “intrapreneur” pour Airbus. Le projet visait à utiliser un drone pour la détection de défauts de moins d’un millimètre sur la surface haute des avions. Vous vous rendez compte : je ne savais même pas utiliser de drone à l’époque !
Il fallait avoir une image parfaite afin de la comparer avec d’autres images de fissures et d’impacts. Cela permettait à l’Intelligence Artificielle (IA) de définir le type et la taille du défaut avant la livraison des avions.
“La transmission, c’est une valeur fondamentale, tant dans ma vie personnelle que professionnelle “
Votre parcours est très impressionnant. Vous n’avez pas rencontré d’obstacle pour vous intégrer à chaque nouvel environnement ?
M.M-C. Évidemment, il y a parfois le syndrome de l’imposteur, surtout quand on travaille en sous-traitance dans un environnement masculin, avec des experts qui exercent leur métier depuis 30 ans.
À 24 ans, on me disait parfois que j’étais jeune et que je n’allais pas leur apprendre leur métier. Mais j’ai réussi à gagner leur confiance et ils ont compris que j’étais là pour les aider. Chaque expérience m’a enseigné quelque chose. Aujourd’hui, chez Airbus, grâce à notre politique d’inclusion et de diversité, nous recrutons davantage de femmes et de personnes d’horizons et d’expériences variés.
Cette « intelligence collective », comme j’aime à l’appeler, nous permet d’apprendre les uns des autres et de collaborer plus efficacement, tout en créant de la valeur à la fois pour nos clients et nous-mêmes en tant qu’employés.
Nous en avons parlé plus haut, mais vous êtes également ambassadrice My Job Glasses. Vous avez d’ailleurs déjà réalisé plus de 50 rendez-vous. Pourquoi cet amour de la transmission ?
M.M-C. : Tout au long de ma carrière, j’ai rencontré beaucoup de gens qui m’ont donné énormément. Cela m’a tellement enrichie d’un point de vue humain ! J’ai beaucoup de gratitude pour les gens qui m’ont aidée, souvent sans que je m’en rende compte.
Car quand on est jeune, on n’a pas toujours le recul nécessaire. C’est important pour moi de rendre ce que j’ai reçu. La transmission, c’est une valeur fondamentale, tant dans ma vie personnelle que professionnelle. Je suis tellement ravie d’être ambassadrice sur My Job Glasses !
Au-delà de cette transmission, la plateforme vous a-t-elle également aidée dans vos recrutements ?
M.M-C. : Oui ! J’ai deux stagiaires actuellement que j’ai rencontrés sur My Job Glasses. J’avais échangé avec quasiment toute leur promotion (rires).
À tous les jeunes que je rencontre, je leur conseille de foncer, avec détermination et motivation. Car si quelqu’un n’a pas encore toutes les compétences, ce n’est pas grave. On ne doit pas forcément répondre à 100% des critères.
Il n’y a rien à perdre, à part vous faire connaître !
✈️ Marion Mula-Chaigne, ambassadrice My Job Glasses au Salon du Bourget 2025
“Cette année, le vendredi matin du Salon du Bourget est dédié aux femmes. Cela tombe bien car pour sortir des préjugés, nous recherchons activement des femmes dans nos métiers. La sûreté est un secteur qui n’est pas forcément perçu comme un métier fait pour les femmes, hors je travaille avec de merveilleuses femmes et elles méritent d’être mises en lumière. Mon rôle sera donc de représenter au mieux les métiers de la sûreté physique et digitale ainsi que la gestion de crise. Je veux porter un message d’espoir. ”
Et maintenant ?
Le parcours de Marion vous intéresse ? Vous aimeriez découvrir la richesse des métiers de l’aéronautique ? Contactez l’un des 1000 ambassadeurs de cette filière sur My Job Glasses et obtenez toutes les réponses à vos questions !